HISTOIRE DE MOLINEUF

Molineuf est situé sur les bords d’une petite rivière qui s’appelle la Cisse, celle-ci serpente du plateau céréalier de la Beauce jusqu’aux coteaux couverts de vignobles qui dominent la Loire aux portes de la Touraine.

Avant de se jeter dans le plus long fleuve de France, la Cisse s’écoule doucement de la forêt de Marchenoir à Pontijou. Là elle s’incline vers Orchaise puis, musarde d’Orchaise à Chouzy (via Molineuf), et après avoir hésiter jusqu’à Vouvray, finit par sauter dans la Loire.

Nous savons que la Vallée de la Cisse a été habitée depuis les temps préhistoriques, et que très tôt, les moulins ont ponctué son cours. La meunerie jadis y était florissante, d’ailleurs nous lui devons le nom que porte aujourd’hui notre village.

La cisse et ses moulins : Moulin d'Andillon



Le moyen âge


C’est en 1121 que Geoffroy Bourreau, seigneur de Bury, favorisa la création du prieuré de Tiron en donnant aux moines : ” une terre située entre Cisse et forêt et, un moulin neuf “. Moulin neuf…Molineuf, ce nom ne sera officiellement celui de notre commune qu’en 1912.

Attention ! On ne parle de commune que depuis la Révolution de 1789, avant il s’agissait de paroisse, et Molineuf était un des hameaux de la paroisse de St Secondin les Vignes.

Reprenons le fil de l’histoire, et revenons à Moulin neuf lié au 12ème siècle au prieuré de Tiron, alors que St Secondin l’était aux prieurés de Marmoutier. A cette époque les moines cultivaient la vigne, ce qui n’était pas vraiment nouveau en Val de Cisse, mais ils y apportaient une méthode et une application ignorées jusque là. Tous les coteaux alentours en seront couverts sans discontinuer jusqu’au milieu du 20èmesiècle. Les 12ème et 13ème siècles seront une période florissante pour tous ces prieurés. Mais viendra la guerre de Cent ans.

Au 14ème siècle des hordes de Gascons, soutenus par les Anglais, pillent la Touraine. C’est en 1360 qu’Edouard d’Angleterre ” vint rafraîchir ses troupes dans la Beauce et le Pays chartrain “. A partir de ce moment les Anglais sont chez eux au Château de Bury.

Bien qu’en pleine guerre de Cent ans, cette occupation laisse à notre région une certaine période de paix. -Rien d’étonnant 100 ans c’est long… on ne pouvait pas se battre tous les jours ! – Mais à nouveau, au début du 15ème siècle, la Vallée de la Cisse subit à maintes reprises le passage des belligérants.

Enfin la guerre se termine, toute fois Charles V ayant ordonné la destruction de toutes les forteresses féodales qui avaient servi de refuge aux Anglais, on peut supposer que celle de Bury fut alors détruite par les français.

Si les hommes ont souffert de cette période de meurtres, de famines, d’épidémies… la vigne, elle, n’est pas détruite. Dans notre vallée ce qui n’était pas en bois était en vigne, et les hommes attachés à la vigne à la belle saison, vivaient du bois pendant l’hiver. Les céréales n’étant cultivées que pour la consommation locale.

Alors ! A quoi pouvaient bien servir tous ces moulins qui jalonnaient le parcours de notre rivière ? Et bien ils travaillaient, pour les producteurs de blé de la petite Beauce, que traverse le cours supérieur de notre rivière.



La renaissance


Gravure du chateau de Bury

Le temps s”écoule et nous voici au début du 16ème siècle. Là commence pour le Val de Loire une période faste, et il se trouve que notre village va être au cœur du grand mouvement intellectuel et artistique qu’est la Renaissance.

Et ceci, nous le devons à un homme de goût qui était à la fois secrétaire et trésorier du roi de France, son nom : Florimond Robertet. Il achète la ” ruyne ” de Bury pour 4000 écus d’or, et fait construire, en une dizaine d’années (autour de 1515), le premier château Renaissance du Val de Loire. Son fils Claude, quant à lui, après des discussions juridiques assez subtiles, rachète en 1563, à l’abbé commendataire de Tiron, un certain Charles de Ronsard, son prieuré dont la chapelle avait été réparée en 1547. Voici donc le domaine reconstitué comme avant 1121, (de ce prieuré, qui se trouvait en limite du hameau de Molineuf, subsistent deux bâtiments modernisés, situés de part et d’autre de la route de Chambon, à la sortie du bourg).

Maquette du chateau de Bury (Reconstitution)
Légende


Le grand siècle


Les années passent, un siècle même, nous sommes maintenant au début du 17ème, et voici que meurt, criblé de dettes, le dernier Robertet. Encore quelques dizaines d’années et le beau château de Bury, définitivement laissé à l’abandon, redevient une ruine que l’on pille pour embellir Onzain ou quelqu’autre manoir.

Dans le même temps, la vie et la prospérité de la région auront été profondément perturbées. D’abord par les guerres de religion, puis par le départ du roi et de la cour abandonnant le Val de Loire pour Paris. Ce sera ensuite la Fronde, durant laquelle de nouvelles hordes de pillards traverseront nos campagnes. Il faudra attendre le retour de l’ordre pour pouvoir, à nouveau, cultiver la vigne sans craindre de voir piller la récolte.



La révolution


Bien des années passeront avant que la prospérité ne vienne aux vignerons, mais à force de travail, certains d’entre eux devenus propriétaires, réaliseront leur véritable affranchissement.

On aura pu voir également, les bourgeois de la ville de Blois, attirés vers la campagne toute proche, y acheter de la terre. Ce sont des fonctionnaires, des artisans, des commerçants enrichis (horlogers, émailleurs blaisois de réputation européenne), appartenant pour la plupart à la religion réformée. Ainsi se créeront, en bordure de forêt, sur les coteaux couverts de rangs de vigne, toutes les ” closeries ” dont nous gardons encore les noms : La Bailleterie, le Bilieux, Culs-froid, l’Enfer, la Grossardière, Pique-Mouche, la Simmonière, la Touche, etc.

A la veille de la Révolution à St Secondin les Vignes, les seigneurs ont disparu, le clergé rural n’est pas très brillant, mais les vignerons ! Oui les vignerons eux vivent une grande époque, rendez-vous compte : en 1775, ils ne sont pas moins de 50.

Et arrive au presbytère de St Secondin les Vignes un homme remarquable : l’Abbé Pollier, médecin habile et réputé, c’est aussi un esprit éclairé digne du siècle des lumières.

Puis c’est la Révolution mais à Bury il n’y a pas de seigneur à renverser ni de château à brûler, alors les vignerons se contentent de soigner leurs vignes, une vieille habitude de plusieurs siècles dont le savoir et l’amour se transmettent de pères en fils. Les résultats sont ces vins rouges, blancs et rosés de bonne qualité qui sont fort appréciés à Blois et à Paris.

La véritable révolution, pour bien des villages comme Molineuf et St Secondin les Vignes, fut la Révolution industrielle. On vit alors la prospérité diminuer, la concurrence des vins du midi, la modification des comportements ” la modernisation “. Les vignes les unes après les autres ont quitté tous les coteaux environnants. Les Closeries de jadis sont dorénavant des maisons habitées à l’année ou des résidences secondaires. Les descendants des vignerons vont travailler à la ville, comme les nouveaux habitants qui ont fait construire.

Tout cela fait qu’aujourd’hui, beaucoup se posent la question de savoir : pourquoi cette jolie petite église de St Secondin s’appelait ” avant ” St Secondin les Vignes ?

Mais reste encore ce joli village qui séduit par son charme, et son calme. Il n’y a plus que deux ou trois vignes que quelques acharnés soignent encore pour le plaisir. Les moulins ne font plus de farine, mais regardez bien, la Cisse coule toujours dans le même sens, alors tout n’a pas changé!



Un village aussi marqué par les grandes guerres


D’abord la guerre de 1870-1871, durant laquelle il subit le passage, l’occupation et le pillage des troupes prussiennes d’octobre 1870 à l’Armistice en février 1871.

Ensuite la ” Grande Guerre ” de 1914-1918, elle n’eut pas les mêmes effets, pas d’occupation ennemie mais la mobilisation de tous les hommes en état de porter les armes. Les femmes et les ” vieux ” suppléèrent de leur mieux les hommes absents. Comme partout la commune connut de nombreux morts, 25 noms furent inscrits au monument aux morts, alors que la commune n’atteignait pas 500 habitants.

Et pour finir la guerre de 1939-1945, avec 7 nouveaux noms au monument aux morts. De nombreux prisonniers vécurent et travaillèrent pendant 5 ans en Allemagne.

Pour les molinotiaux l’occupation ne fut pas trop dure. Les restrictions alimentaires étaient moins cruelles à la campagne que dans les villes. Les gens de la ville venaient à Molineuf au ” ravitaillement ” et aussi se mettre à l’abri des bombardements aériens de 1944.

Dans les dernières années, la Résistance établie dans notre village comme partout dans la région, entraîna quelques perquisitions et répressions de l’occupant.

Puis ce fut la libération, les Américains arrivèrent à Blois en août 1944 par Molineuf et la forêt de Blois.



Époque récente


Mais une épreuve viendra ici comme ailleurs, frapper la vigne, à la fin du 19ème siècle : le phylloxera. Il faudra plusieurs années avant de pouvoir à nouveau exporter le vin de consommation courante que nos vignerons savaient si bien faire.

Dans le courant du 19ème siècle, l’amélioration rapide du réseau routier entraîne un bouleversement dans les modes de circulation. On voit de moins en moins les gens de Molineuf aller à Blois à pied. L’usage de la voiture à cheval se généralise si bien qu’à la fin du siècle, des diligences ” voitures publiques ” assurent la liaison entre Blois et Herbault (via Molineuf), plusieurs fois par jour.

Il faut dire que des travaux de voirie avaient été entrepris pour réaliser une route reliant Blois à Angers en passant par Château Renault. La municipalité de St Secondin avait fait tous ses efforts afin que la portion Blois-Herbault passe par Molineuf et, elle avait réussit. Ainsi le hameau de Molineuf l’emportait définitivement sur son rival de toujours : le hameau de Bury.

Pour finir, en 1912 le nom de Molineuf viendra supplanter pour de bon par délibération du Conseil Municipal, celui de Saint-Secondin les Vignes.

Au début du 20ème siècle le tramway à vapeur remplaça la diligence, et Molineuf fut une gare importante qui vit passer jusqu’à 6 convois par jour, puis l’autobus remplaça le tramway, et vint … l’automobile…

Autre élément important dans l’évolution des populations : l’instruction publique. Suivant les idées de la Convention et le travail entrepris sous l’Empire, une ordonnance royale de 1833 rappelle aux communes leurs obligations en matière d’école.

La municipalité de St Secondin ne se presse pas de régler la question d’autant qu’une ” institutrice autorisée ” fait déjà, depuis onze ans, la classe aux jeunes personnes des deux sexes. La question du local sera très longue à régler, il fut même envisagé l’achat du presbytère de St Secondin, enfin, après plusieurs projets, l’achat du terrain et la construction du bâtiment qui existe encore, furent réalisés entre 1863 et 1865.



 Les lieux-dits


Les lieux-dits portent parfois des noms mystérieux, insolites ou amusants. Nous connaissons la signification de certains d’entre eux par exemple :

  •  L’Abbaye : Terme déjà employé en 1480, dans un texte pour désigner le prieuré de Tiron (lequel dépendait de l’abbaye fondée en 1114 par Bernard de Ponthieu ou de Tiron). Le lieu-dit qui le joint se nomme ” Les Tirons ” plus souvent appelé les Tisons par le Molinotiots.
  • Les Auvernas nous ramènent à la vigne. Les vignobles plantés dans la région avaient deux origines (mais toutes deux ligériennes), d’une part les plants venus de l’aval, en réalité des Charentes mais embarqués à Nantes, furent appelés ” Bretons “, d’autre part ceux venus de l’amont, c’est à dire du Beaujolais mais embarqués à Roanne, reçurent le nom ” d’Auvernas “. Il semble que pour le vigneron qui les débarquait seule comptait l’origine du bateau.
  •  Les Blossières que l’on écrivait jadis ” Les Belles Osières “, conséquence de l’abondance de l’osier dans la vallée de la Cisse. De l’osier naquit la vannerie.
  • Bury est la Villa de buriacus, comme Bernières (déformation de Brennières) est la Villa où résidait Brennus. La Villa c’est le domaine que connaissaient les Gaulois et qui s’est perfectionné sous les Romains. Le premier cadastre fut réalisé par l’empereur romain Auguste. Les propriétés virent alors leur superficie précisée et prirent le nom de leur propriétaire et ce nom resta attaché au domaine après sa mort.
  •  L’enfer voisine avec l’église de Saint-Secondin-des-Vignes. la Cure garde du passage des Moines de Marmoutier des annexes utilitaires : un grand puits d’eau potable, une cave profonde et fraîche bien draînée, où les réserves se conserveront, et enfin, le nom du lieu-dit au-dessus de l’église qu’ils baptiseront ” l’Enfer “, plaisanterie qu’ils affectionnent puisque les 3 fermes de leur prieuré de Nourray s’appellent encore le Paradis, l’Enfer et le Purgatoire. Mais nous avons le Paradis non loin des Blossières, est-ce que l’origine en serait la même?
  • La Chambaudière : Un autre lieu-dit sur lequel il serait passionnant de se pencher, et qui a, selon les époques, souvent changé d’orthographe : la Chamboldière, la Chambodière, la Chambeaudière, la Chambauldière et enfin la Chambaudière
La Chambaudière

L’étymologie nous indique que la première partie, Champ correspond à Campus : lieu, endroit, terrain. Ensuite baudière avec le radical baud : bald racine germanique signifie courageux, hardi, joyeux. En fauconnerie le verbe baudir était employé pour inciter le faucon à fondre sur les hérons. On peut penser également à la proximité de la forêt de Blémars et à une autre chasse pour laquelle était utilisé un baud : chien courant de race, spécialement dressé à forcer les cerfs, aboyant pour les lever et faisant silence pour les rejoindre.

Mais plus que l’étymologie du nom, c’est l’histoire du domaine et des propriétaires qui s’y succédèrent dès le 16ème siècle, qui est intéressante car elle rejoint l’Histoire.

La Chambaudière est devenue, en 1977, la propriété des Carmélites, après leur départ de Blois.

Comme sur la butte des Capucins (rue Albert 1er à Blois), lieu de l’implantation, en 1625, des premières Carmélites à Blois. L’air est vif à la Chambaudière et c’est bien ” là où la vue est la plus belle, dominant la vallée éclairée par un ciel immense… “

Quelles sont les origines de la propriété ? Si l’on remonte dans le temps, nous n’allons pas au-delà de Juin 1557. A cette date l’on trouve trace d’un dénommé Jean Grillet ‘Sieur de la Chambaudière’ dans la paroisse Saint-Honoré de Blois : l’épouse de Jean Grillet, Antoinette Bezault, est la marraine. Le parrain est Pierre Roussignol, valet de garde-robe du roi, et il est fait mention de Christophe Grillet ” fils de Jehan “. Le baptisé est Pierre Boysgautier, fils de Jean de Boisg, Argentier du Cardinal de Chatillon et de Renée Grillet.

Les attestations concernant l’appellation de la propriété sont fréquentes au 17ème siècle, voici pour exemple :

Marthe de Bénigne (veuve depuis janvier 1629 de Pierre Demeulles, maître des comptes et contrôleur des domaines) qui est marraine, le 6 mars 1629 à Saint-Honoré, de Simon fils de Simon Chauvel, écuyer, ‘Sieur de la Pigeonnière’, assesseur au siège présidial et époux de Madeleine Demeulles.

A partir de 1628 on trouve Claude Demeulles (fils de Pierre) il signe, conseiller du roi, ‘Sieur de la Chambaudière’, …écuyer, ‘Sieur de la Chambaudière’. Puis en 1633 et 1634, il associe le titre ” la Chambaudière ” avec la fonction de ” Trésorier général de France à Orléans ” (plusieurs pièces sont conservées aux Archives du Loiret).

Il semble nettement qu’à cette époque l’on se meut dans le haut fonctionnariat de la Cour de Blois, avec en plus le voisinage du Château de Bury et du financier Robertet la vallée de la Cisse à Molineuf devient un lieu de résidence recherché.

Les Demeulles de religion catholique ont de nombreuses relations proches dans la religion protestante. Cette tolérance largement usitée dans le fonctionnariat blésois et la noblesse de robe ‘provinciale’ en général sera mise à mal par la révocation de l’Edit de Nantes en 1684.

De la famille Grillet à la famille Demeulles, la Chambaudière passe, dans la seconde moitié du 17ème siècle à la famille Pajon de l’église réformée.